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Collaboration avec le Magazine Nez – Mouvement Culturel

Collaboration avec le Magazine Nez – Mouvement Culturel

Je vous invite à un voyage sensoriel, où les mots et les odeurs se mêlent pour raconter des histoires, éveiller des souvenirs et susciter des émotions.
Ensemble, nous allons explorer la richesse et la complexité du monde olfactif, en vous offrant des perspectives uniques et des expériences mémorables.

Préparez-vous à plonger dans un univers où le sens de l’odorat est roi, où chaque fragrance raconte une histoire et où les souvenirs olfactifs prennent vie. 

Depuis le premier numéro du magazine NEZ en avril 2016, j’ai toujours plaisir à collaborer avec cette équipe de passionné de parfums, en rédigeant des chroniques dont l’odeur demeure l’unique star ! Tout est prétexte, mais surtout le quotidien, comme ce récit autobiographique où j’exprime ma découverte de la maternité, submergée par la senteur de mon enfant nouveau-né.
« Des mois d’attente. Des heures de travail. Jambes en l’air et mollets entravés hors des étriers par des sangles de fortunes, car je suis bien trop grande pour cette table, j’attends sa venue. 

Lors des moments de répit, ma tête, en équilibre sur le bord du matelas, bascule un peu en arrière et, le regard vide, le souffle court, je contemple le plafond fané, jaune pipi délavé. Je deviens oreilles : babil du personnel médical qui veille et vaque à son affaire, sorte de mélopée lounge sécurisante. Et narines : remugle confus des corps, des fluides et des antiseptiques, sorte de court-bouillon rassurant. Une émanation moite, douce-amère comme la fleur des troènes au printemps. Un peu cra-cra, comme un immense doudou usé jusqu’au kapok. Sang. Sueur. Salive. Les trois senteurs de l’animal. Comme moi, à cet instant de l’ultime poussée. Respiration bloquée, cabrée dents serrées, j’éprouve purement l’effort de mes veines tendues à claquer. Geste récompense, le nouveau-né est déposé délicatement sur mon ventre mou, son minuscule visage contre ma poitrine. Mon nez affleure le sommet de son crâne humide. On se renifle. Il me reconnaît. Moi, pas. Je suis vidée, et son odeur me dérange(…)

Il y a des parfums qui disparaissent aussi vite qu’ils sont apparus. Et puis il y a les parfums qui comptent, ceux qui marquent à jamais la vie et la carrière d’un parfumeur. Voici, les confidences parfumées de quelques parfumeurs, dont Céline Ellena qui nous conte sa longue quête de l’émotion qui a abouti à sa découverte du Parfum Le Feu d’Issey, un truc tout rond sans fond ni tête 

« J’aimerais écrire : je t’ai aimé au premier nez.
Ma peau unie à tes arabesques agrestes et à tes résines languides, nous partagions chaque instant de vie, vivions fusion, en ville comme au lit, abandonnant au passage une trace inaltérable dans la mémoire des flâneurs, des amants.
Évidemment, tu portais un grand nom. Tu étais une célébrité, une référence dans le milieu très fermé de la Haute Parfumerie. Les créateurs vantaient ton aura. Nombreux étaient les parfumeurs qui souhaitaient pénétrer les secrets de ton sillage, s’approprier un peu de ta signature osée. 
Indifférents au brouhaha odorant, nous formions, toi plus moi, le couple idéal, un corps singulier et puissant. Une essence rare. Et parce que j’étais la seule à te porter ainsi, l’unique à t’avoir comprise, j’ai choisi de créer des parfums à notre image.

Mais il n’en est rien.
Je n’ai jamais rencontré ce premier amour, source d’inspiration d’une carrière. Troisième nez d’une famille de compositeurs d’odeurs, j’avais perdu en chemin ma candeur dès la prime enfance. J’avais la chance de pouvoir mettre mon nez partout et de n’être empêchée par aucun remugle ni aucune odeur taboue. Je jouissais d’une curiosité sans frein pour toutes les traînées, sans état d’âme ni jugement. Chaque particule gobée était instinctivement, et sans doute par mimétisme, identifiée, étiquetée puis mémorisée, rangée, stockée, pour plus-tard-au-cas-où.
Je me souviens de ma perplexité lorsqu’à l’occasion de mon dixième anniversaire, le papier cadeau a dévoilé la forme d’un flacon en verre givré, gravé d’une fleur de chèvrefeuille. Un garçon de ma classe m’offrait une eau de toilette (…)

Le peintre Pierre Soulages vient de s’éteindre ce mercredi 26 octobre 2022, à l’âge de 102 ans. Ses célèbres « outrenoirs » ont parfois inspiré les parfumeurs, comme Thierry Wasser pour son Néroli outrenoir chez Guerlain, ou encore Bertrand Duchaufour pour Corpus Equus chez Naomi Goodsir. Une des expositions de l’artiste au Centre Georges Pompidou avait par ailleurs suscité chez la compositrice de parfums Céline Ellena, membre du collectif Nez, l’écriture d’une chronique olfactive parue dans le quatrième numéro de la revue Nez, en octobre 2017

« Pierre Soulages expose au Centre George Pompidou ses œuvres noires, silencieuses et sensibles. Un immense cube blanc ponctue la fin de la visite. Je franchis le seuil de cette boîte étrange et tombe dans le noir d’une salle de projection. Sur ma gauche, parmi les silhouettes immobiles adossées à la cloison, je devine un espace libre dans lequel je me glisse. Nous sommes nombreux. Les plus chanceux s’alignent assis, épaule contre épaule, sur les quelques bancs disposés devant l’écran ; les plus souples, posés en tailleur, forment des grappes irrégulières de part et d’autre des accès calfeutrés par de lourdes lames en tissu verni ; les plus endurants demeurent debout, dispersés dans les coins. La température est élevée. L’atmosphère humide. Je ne vois rien. À peine si je distingue un son. Mon nez est vissé à l’odeur qui imprègne ce lieu plongé dans le noir. J’éprouve une extrême difficulté à distinguer, puis séparer chaque information, en l’absence de courant d’air.

À cet instant, Soulages nous regarde depuis la caméra et s’exclame : « Il fait chaud, non ? », en retirant sa veste. La salle glousse, complice, et les corps soudains s’agitent, provoquant une légère turbulence. Une saute de vent que je capture (…)